Partage d'informations.
Aujourd'hui, je vais me montrer paresseuse et vous faire partager mes lectures.
Si vous ne connaissez pas encore "Le Courrier du Vietnam", je vous le conseille, il donne, en francais, des infos de toutes sortes sur la vie ici.
Les articles ci-dessous sont ecrits par un expat qui, me semble-t-il, vit du cote de Hanoi. Je partage son point de vue, il m'amuse dans ses decouvertes de la vie quotidienne du Viet Nam, je vis ou ai vecu les memes impressions, sensations, interrogations, etonnements.
Bonne lecture !
Tranches de vie : pas curieux s'abstenir ! - 14/07/2008
Tout petit, quand je posais des questions que les grands
jugeaient indiscrètes, ou quand je me mêlais de ce qui ne me regardait
pas, on me disait que la curiosité est un vilain défaut. On voit bien
que ceux-là ne connaissaient pas le Vietnam !
Marque d'attention…
Ici, il ne s'agit pas tant d'indiscrétion que d'intérêt pour autrui. Et d'ailleurs, il existe plusieurs niveaux de curiosité.
Tout
d'abord, la curiosité indispensable pour établir du lien social et
savoir comment s'adresser à un interlocuteur. En effet, dans les
langues occidentales courantes, si je veux de l'eau, il me suffit de
dire à mon voisin de table "Peux-tu me passer l'eau" s'il s'agit de
quelqu'un d'intime, ou "Pouvez-vous me passer l'eau ?" s'il s'agit de
quelqu'un que je connais peu ou pour lequel je dois montrer de la
déférence. En général, l'eau me parvient assez rapidement !
En
vietnamien, pas si simple pour obtenir de l'eau ! En effet, on
n'utilise pas le même terme pour se désigner et désigner l'autre, selon
que l'on s'adresse à une femme ou à un homme, à plus jeune ou à plus
vieux que soi, à quelqu'un de proche ou à une connaissance éloignée.
Entre ông, bà, bac, chu, anh, chi, em, chau , il s'agit de ne pas se tromper. Un monsieur d'un certain âge, qui se désignerait par em (petite sœur ou petit frère) et désignerait une interlocutrice plus jeune par chi (grande sœur) ou bà (grand-mère), se verrait tout de suite affligé d'un jugement peu flatteur sur sa santé mentale !
Pour
éviter de faire des impairs, il est donc absolument indispensable, en
cas de doute, de connaître précisément l'âge de son interlocuteur avant
d'entamer une conversation. D'où cette question qui vient en premier
quand on fait connaissance de quelqu'un : "Bao nhiêu tuôi ?" (Quel âge
?). Ce qui pourrait être une indiscrétion dans d'autres cultures est
simplement ici la base d'une politesse et d'un respect mutuel. Et s'il
y a des petits malins qui s'imaginent échapper à ce questionnement, en
me signalant qu'il suffit de dire "Puis-je avoir de l'eau ?" pour ne
pas avoir à désigner son interlocuteur, ils se trompent. Car, en
fonction de l'âge du passeur d'eau par rapport au mien, le "je" peut
être : em, anh, ông, cháu, bác,…
Ça y est, vous avez
compris ? De toute façon, il faudra vous y faire, impossible d'éviter
cette première divulgation de votre état-civil, si vous voulez rester
civil avec votre voisinage. Mais, hormis ce premier niveau de
curiosité, il en existe un second encore plus surprenant : l'intérêt
que le Vietnamien porte à tout événement nouveau ou insolite. Jugez-en
plutôt !
Marque d'étonnement…
Lors de
mon installation au Vietnam, j'avais décidé, pour m'immerger dans la
langue et la culture, de vivre pendant plusieurs mois dans un petit
village, à une vingtaine de kilomètres de Hanoi, au bord du fleuve
Rouge. Jamais un étranger n'avait mis les pieds dans ce village, et à
plus forte raison n'y avait séjourné. En outre, je louais la maison
qu'un enfant du pays, ayant fait fortune à Hanoi, avait fait construire
selon les plans d'un architecte français. Un petit palais dans un écrin
de verdure ! Entourée de hauts murs, cette maison n'était presque
jamais habitée, ce qui contribuait à lui donner une aura de mystère.
Alors pensez donc, comme un étranger, au long nez, logé dans une
demeure de la Belle au bois dormant pouvait éveiller l'intérêt du
voisinage ! Tout le monde voulait savoir : savoir comment ça vit un
étranger, comment ça mange, comment ça dort, comment ça fait ceci et
cela…, savoir comment c'était cette maison avec une piscine dans la
salle à manger, un grand bassin pleins de grosses carpes dans le salon
et une baignoire à remous dans la salle de bain…
Et
pour savoir, le meilleur moyen, c'est de venir voir ! Voilà pourquoi,
alors que naïvement je croyais qu'une porte suffisait à protéger mon
intimité, sans être obligé de fermer l'huis à double tour, il m'est
arrivé, dans les 15 premiers jours de mon séjour, de vivre quelques
scènes pour le moins cocasses telles que : être en train de dîner et
voir rentrer une dizaine de personnes qui venaient voir comment c'était
ici, ou bien, sortir en tenue d'Adam de ma salle de bain et trouver 2
honorables bà installées dans mon salon pour tester le moelleux du
sofa, ou encore, entendre du bruit au rez-de-chaussée et descendre en
catastrophe pour découvrir 3 aimables jeunes femmes commentant
l'installation de ma cuisine ! Et ne croyez pas qu'un seul de ces
intrus ait été quelque peu gêné. Au contraire, ma présence semblait
leur donner prétexte à pousser plus avant la visite de lieux, avec
forces sourires au demeurant ! Heureusement, j'ai pris l'habitude de
fermer à clé la porte du jardin, ce qui m'a probablement évité de
devenir un lieu de visite plus fréquenté que le Musée ethnographique de
Hanoi ! En moi-même, je me disais que mon arrivée avait été l'occasion
de rompre la monotonie de la vie de ce petit village, donnant ainsi
l'occasion de pimenter son existence, et que cela pouvait rendre
compréhensible cet appétit de savoir ! Si seulement !
Marque de reconnaissance…
Après
la campagne, j'ai choisi la ville pour m'y installer en famille.
Quartier calme au fond d'une petite ruelle isolée du tumulte de la vie
trépidante des grands axes.
Inutile de vous dire que si
j'avais voulu m'installer incognito, c'était loupé. En l'espace d'une
semaine, ma femme, alors jeune mariée, a eu droit, de la part de tous
les voisins du quartier, à toutes les questions possibles sur notre vie
privée. Y compris les plus indiscrètes qu'elle me rapportait fidèlement
en rosissant légèrement ! Je lui ai toujours laissé le soin des
réponses, sans chercher à savoir lesquelles elle donnait. Tout ce que
je sais, c'est qu'elle nous a fait réussir notre examen d'admission
dans la petite communauté de notre quartier, du moins si j'en juge les
mines réjouies et les félicitations que j'ai reçu lors de sa grossesse
et de la naissance de notre fille !
Mais la curiosité bon
enfant du Vietnamien ne s'arrête pas là. En effet, je me souviens d'un
soir d'été où j'avais invité mon complice de toujours, Tuân, et 2 ou 3
autres amis. Nous étions en train de deviser gaiement dans le salon du
premier étage, quand brusquement 2 adultes et un enfant apparaissent
dans l'escalier qui monte du rez-de-chaussée. Avec un grand sourire,
ils nous saluent, en se présentant comme amis de la propriétaire et
s'apprêtent à continuer leur ascension jusque dans nos chambres, sans
que cela ne paraisse déranger outre mesure les autres personnes qui
étaient là. Le seul à manifester surprise et réprobation de cette
violation de domicile, c'est l'étranger que je suis ! Je me tourne vers
Tuân, qui me fait une simple remarque : "Tu as laissé la porte de la
cour et de la maison grande ouverte…". Que voulez-vous répondre à cela !
Aujourd'hui,
dans l'attente d'une maison en cours de construction, et la précédente
étant mise en vente, j'ai provisoirement trouvé un abri pour ma famille
dans le vieux quartier de Hanoi, vers le pont Long Biên. Petite rue
charmante, pas de voitures, quelques petits commerces. Cette fois-ci,
pas de cour, ma maison donne directement dans la rue. Je devrais plutôt
dire que la rue donne directement dans ma maison ! En effet, le jour de
mon emménagement j'avais à peine fait livrer les premiers meubles que
mes voisins de devant, de derrière, de droite, de gauche, étaient déjà
chez moi pour m'aider à installer ceci, pousser cela, décoincer cette
porte, resserrer cette vanne. Tout juste si ma femme a pu vider seule
les valises sous les commentaires des uns et des autres à propos de la
qualité de mes pantalons et du tissu de mes chemises !!!
C'est
aussi cela le Vietnam ! Un pays où la vie sociale est faite de rapports
humains de proximité, et où l'intégration dans la communauté passe par
l'acceptation d'être un objet d'intérêt, pour peu que l'on paraisse
différent ! Pas toujours facile pour quelqu'un qui vient d'un pays où
la règle est surtout de ne jamais s'occuper des affaires des autres.
Sauf que le prix à payer c'est l'indifférence, alors qu'ici ce que
d'aucun appellent curiosité est plutôt une sollicitude qui ne fait
jamais défaut lorsque l'on est confronté à des difficultés.
À tout prendre, qu'est ce qui est préférable ?
Gérard BONNAFONT/CVN
(13/07/2008)
Mes commentaires perso sur cet article :
- Je ne me choque pas quand on me demande mon age
- J'ai appris a fermer la porte de la maison a cle
- Je suis contente que Qua etait la pour mettre le hola, car j'aime bien garder mon intimite.
Pour l'article suivant, j'ai fait des coupures, l'auteur vivant "en famille" ce qui n'est pas mon cas.
Tranches de vie : allez, reste pas dans ton coin ! - 18/08/2008
"La solitude, ça n'existe pas !", dit la chanson. Sans doute,
mais au Vietnam, il faudrait chanter : "L'intimité, ça n'existe pas !".
Pour les Robinsons en puissance, amoureux de l'île déserte, le Vietnam
n'est pas la bonne destination.
Qu'il
fait bon rentrer chez soi après une longue journée de travail. Qui n'a
pas rêvé de chausser ses pantoufles, confortablement installé dans son
fauteuil, à regarder un film ou lire un livre, avec pour seule règle :
qu'on le laisse tranquille ! C'est en tout cas ce à quoi j'aspire
parfois quand j'ai passé toute une journée en compagnie de gens plus ou
moins intéressants, ou face à un public d'étudiants exigeants.
Seulement, les Vietnamiens sont là pour me rappeler que du rêve à la
réalité, il y a un gouffre !
Ne me dérangez pas !
D'abord,
ici, inutile de chercher les pantoufles, l'usage est de se déplacer
nu-pieds à la maison.
(.....)
Je suis toujours surpris de constater à quel
point la sollicitude du Vietnamien s'exacerbe à la vue de toute
personne qui cherche désespérément à s'isoler. Et cette prévenance
familiale n'est pas exclusive de ma famille. C'est comme cela dans
nombre de familles vietnamiennes. On vit ensemble, pas les uns à côté
des autres ! Souvent, les enfants dorment avec les parents jusqu'à
l'âge de 5 ou 6 ans. Parfois en été, on se réunit tous dans la même
pièce, celle qui a la clim', pour dormir ou se reposer. Le soir,
nombreuses sont les portes grandes ouvertes sur la rue qui laissent
apparaître la vie privée des soirées familiales. Sans doute difficile à
comprendre pour un Occidental, habitué à son espace privé, clos et
délimité, dans lequel il peut "enfermer" des heures durant sans être
dérangé.
Mais comment faire autrement, quand parfois 3
générations vivent dans 90 m² !? Alors, bien sûr, peut imaginer que
puisque l'intimité n'existe pas en famille, on peut la découvrir à
l'extérieur. Nouvelle erreur !
Si je musarde dans une ruelle
quasi déserte pour goûter le calme d'un matin d'été, il y a toujours
quelqu'un pour me demander si je ne suis pas perdu. Et si j'ai
l'imprudence d'entamer une conversation, mon interlocuteur se
transforme en mentor pour me guider… là où je n'ai pas l'intention
d'aller ! Si je me promène dans un village, nez au vent, pour le seul
plaisir de m'imprégner d'une atmosphère, je n'ai besoin que de quelques
pas pour qu'aussitôt une ribambelle d'enfants, de jeunes et de moins
jeunes viennent m'entourer pour me demander d'où je viens, qui je suis,
où je vais. Et si je n'y prends garde, mon initiale balade solitaire se
transforme en réception collective dans la première maison où l'on
m'invite à boire du trà xanh (thé vert) ! Depuis que je suis au
Vietnam, je ne sais plus combien de barriques de thé j'ai pu boire dans
ces conditions ! Même en rase campagne, dans un endroit que l'on croit
oublié des hommes et des dieux, si je m'arrête pour admirer le paysage
ou pour satisfaire un besoin naturel, il ne se passe pas une minute
sans qu'un visage curieux, étonné ou hilare ne surgisse devant moi pour
engager la conversation.
Laissez-moi tranquille !
Et
cette promiscuité sociale ne s'arrête pas au seuil de la maison, aux
trottoirs des villes ou aux creux des chemins de campagne : on la
retrouve aussi sur le lieu de travail. Mais ici, loin d'être une source
de stress comme en Occident, c'est plutôt une façon d'entretenir des
rapports conviviaux.
Par exemple, l'autre jour, je passe à ma
banque pour effectuer quelques opérations financières, et comme
d'habitude, en attendant mon tour, j'observe la vie de l'autre côté du
guichet. Ici, une simple vitre sépare le client du fournisseur. Lequel
fournisseur est représenté par un nombre considérable de personnes qui
partagent le même espace, sans souci de l'ordre hiérarchique.
Alors
qu'à l'Ouest, on aime bien disposer d'une pièce personnelle pour
manifester sa supériorité, ici à peine remarque-t-on un fauteuil plus
important ou un bureau plus grand qui témoigne du grade de son
utilisateur. Pour le reste, on partage tout, bons et mauvais moments !
Ce jour-là, c'est un bon moment, puisque soudain, guichetiers,
employés, chefs et sous-chefs quittent leurs bureaux respectifs pour
s'agglutiner autour d'une de leur collègue. Bouquet de fleurs,
félicitations, poignées de main, cadeaux…, j'apprendrais au retour de
ma guichetière que le service vient de fêter l'anniversaire de l'une
d'entre eux ! En France, ça se fait le soir, en catimini, après la
fermeture des bureaux, en toute… intimité ! Ici, ça se fait au vu et su
des clients, en pleine journée de travail, en toute… publicité ! J'en
connais plus d'un qui pourrait dire que dans de telles conditions, le
travail ne doit pas être très efficace ! Détrompez-vous ! Travailler
ensemble n'empêche pas d'être productif.
(....)
Et que
dire des restaurants où tout le monde mange à la même table, des
cybercafés où l'on vient lire vos mails par-dessus vos épaules, des
dentistes où les patients sont à la vue des passants, des coiffeurs
installés sous un arbre dans la rue. Même les toilettes, où les portes
sont parfois absentes, ne garantissent pas l'intimité ! Et pourtant, le
mot "intimité" existe en vietnamien. Mais le plus souvent, il est
utilisé dans des expressions qui traduisent la proximité, le lien,
l'attachement : mât thiêt (très proche), thân mât (petit comité),… Le
mot "isolement" existe aussi, mais majoritairement dans des expressions
construites avec le mot xa cách (distant). Si, même la sémantique
implique que la solitude se définit par rapport à l'autre, vous
comprendrez combien il est difficile ici de concevoir qu'un individu
éprouve un besoin forcené à se couper momentanément du monde ! Sauf à
être un ermite entré en méditation.
Et encore ! Si j'optais pour
cette solution, je me demande combien de temps il faudrait avant que ma
grotte ne soit envahie par les fidèles qui viendraient brûler de
l'encens dans ma solitude !
Finalement, à tout prendre, entre
le chacun chez soi et le tous pour tout, qu'est-ce qui vaut le mieux ?
Je vous laisse méditer là-dessus jusqu'à la semaine prochaine.
Méditation solitaire, bien sûr…
Gérard Bonnafont/CVN
(17/08/2008)
Mes commentaires perso :
Ben oui, c'est comme ca que ca se passe ici.
Tranches de vie : dégagements encombrés ! - 21/07/2008
Au Vietnam, comme ailleurs, une voie rapide est une voie
routière qui permet de circuler rapidement sans rencontrer d'obstacles,
sauf imprévus ! Et justement, pour les imprévus, comme les pannes par
exemple, il existe sur les côtés des voies de dégagement qui ne doivent
jamais être encombrées. En théorie du moins !
(...)
Du monde sur les côtés !
Pour
l'heure, nous quittons la banlieue de Gia Lâm, proche de Hanoi, pour
nous engager sur l'autoroute N°5 qui relie la capitale à Hai Phong.
Cette nationale respecte les principes universels de sa dénomination, à
savoir : des sens de roulements opposés, à double voie, séparés par des
barrières matérialisées, des bas-côtés délimités par des bandes
blanches continues pour s'arrêter en cas d'urgence. Sauf que c'est
justement sur les bas-côtés que le bât blesse ! J'ai l'impression que
le tout-Hanoi s'y est donné rendez-vous…
Tout d'abord, les
innombrables vendeuses de petits pains à la française qui s'alignent
comme à la parade avec leurs éventaires en pyramide, en faisant de
grands signes de la main pour attirer les éventuels clients. Lesquels,
s'ils s'arrêtent, contribueront à engorger encore plus cette fameuse
voie de dégagement ! Un peu plus loin, ce sont des xe ôm qui
attendent d'hypothétiques voyageurs quittant un bus qui auraient besoin
de leurs services pour parcourir les quelques kilomètres qui les
séparent encore de leurs maisons. À quelques mètres de ces stations de
taxi motos, on peut d'ailleurs apercevoir un amoncellement de colis et
sacs, à l'abri desquels se reposent d'autres voyageurs qui, eux,
attendent un bus qui voudra bien les transporter avec tout ce fret pour
une lointaine destination.
Mais la vie tumultueuse des bas-côtés
routiers vietnamiens ne s'arrête pas là. En effet, passer de la route
N°5 à la voie rapide qui nous entraîne vers Bac Giang n'engendre pas la
monotonie. D'ailleurs, curieusement la route elle-même, étant plutôt
peu fréquentée, c'est surtout sur les bas-côtés que réside l'animation.
On peut y rencontrer une multitude d'activités humaines…
Tenez,
regardez ici, ce vélo débordant d'énormes ballots de paille de riz,
dont le conducteur, à caractère certainement suicidaire, préfère
côtoyer les bus qui le rasent de près à toute vitesse plutôt que
d'utiliser la petite route mitoyenne qui s'étire paisiblement en
contrebas de l'autoroute.
D'ailleurs, en parlant de paille de
riz, à cette époque de l'année, on peut se demander si les paysans
locaux n'ont pas loué les bas-côtés comme annexe de leurs fermes,
tellement il y a de meules et tas qui s'écroulent sur la route, adossés
aux barrières de sécurité qui leur servent de tuteurs !
Et
maintenant, voyez ceux-là qui ont arrêté leurs motos pour contempler le
spectacle des "nón" (chapeaux coniques) penchés sur les rizières pour
repiquer les jeunes plants.
Avec le nombre de personnes qui
s'arrêtent inopinément pour admirer le paysage ou prendre des photos,
un commerce de location de sièges ne risquerait pas la faillite ! Sauf
écart inopportun d'un camion qui, en roulant sur la bande de
dégagement, enverrait spectateurs, sièges et commerçant sur les
bas-côtés célestes !
Ensuite,
ce sont des voitures qui sont jetées de travers, à cheval sur le
bas-côté et la voie de circulation, attendant que leurs passagers se
soient soulagés du trop-plein de leur vessie. Lesquels d'ailleurs, dos
tourné ou non à la circulation, prennent le temps de cette activité
nécessaire, en se préoccupant plus du sens du vent que de l'embarras
qu'ils occasionnent à cet effet !
Du monde au milieu !
Maintenant, ce sont des vendeuses de bánh da kê qui
sagement assises sur les bas-côtés, proposent leurs immenses galettes
séchées. L'endroit devient terriblement dangereux, car face à cette
incitation à la consommation, tout véhicule lancé à toute allure peut
subitement freiner violemment pour se rabattre sans clignotant, frôlant
vertigineusement vendeuses et galettes, et obligeant les chauffeurs des
véhicules suivants à avoir des réflexes de pilotes de formule 1 pour
éviter l'emboutissement de 2 masses de métal !
Et ce n'est pas
fini ! Après les hommes, voici les animaux ! Sans doute, l'herbe
est-elle meilleure à brouter depuis l'autoroute pour que bœufs et
bouvillons viennent risquer leur vie en offrant leur arrière-train au
mufle des voitures, tandis que le leur se goinfre de l'herbe rase qui
pousse désespérément sous les barrières de sécurité.
Et
encore, quand il ne s'agit pas d'un buffle qui décide de quitter son
gardien pour retourner chez sa mère, en choisissant la ligne droite,
c'est-à-dire traverser l'autoroute sans chercher à atteindre un pont ou
une passerelle. Le genre d'imprévu à ne pas rencontrer en moto, surtout
quand on a sa famille à charge !
Il faut noter que la fuite
d'un bas-côté pour un autre bas-côté, via la traversée des voies de
circulation, n'est pas l'apanage des quadrupèdes. Il n'est pas rare de
voir des hommes, femmes ou enfants qui jouent leur vie à la roulette,
en se précipitant d'un bord à l'autre du flot de véhicules pour
atteindre la rive opposée, et bien sûr pour compliquer encore
l'exploit, de la faire en poussant une bicyclette ou les bras chargés
de paquets qui parfois leur échappent en cours de route, ce qui les
oblige à revenir sur leur pas, s'arrêter au milieu de la meute hurlante
pour relever l'objet de toute leur attention et reprendre la traversée
interrompue, sans se soucier des coups de freins et de klaxons. Sueurs
froides garanties ! Plus pour moi d'ailleurs que pour eux !
Mais,
outre leur affluence, les bas-côtés vietnamiens offrent à mes yeux
ébahis une autre surprise. C'est aussi un gigantesque annuaire
téléphonique destiné aux dépannages en tout genre ! J'en fais
l'expérience sur le trajet retour de mon escapade familiale, après que
ma femme ait rajouté sur notre moto quelques bánh da kê dont
la moitié a vite disparu dans le ventre de canards que ma fille a
consciencieusement nourris lors d'une halte hors de l'autoroute. Nous
roulons tranquillement en direction de la capitale, quand subitement ma
roue avant se met à trembler de façon suspecte, me laissant supputer
une crevaison inopinée. Je m'arrête sur le bas-côté, valide ma
supposition, et m'assois de dépit sur la barrière métallique, en
imaginant déjà une stratégie pour me sortir de cette ornière. Sur le
moment, je ne comprends pas pourquoi ma femme me confie le soin de
passer notre fille en sécurité de l'autre côté de la barrière, du côté
des canards, tout en se saisissant de son téléphone. Ce que je
comprends encore moins, c'est pourquoi elle me demande de me déplacer
car je lui cache, en partie, le numéro du réparateur. Étonné, je
regarde sous mon arrière-train et je découvre, peint en blanc : vá xe
09……. ! Et pas seulement en un exemplaire. Ce numéro se répète des
centaines de fois à l'infini le long de la barrière de sécurité,
s'éparpille sur le sol, s'étire aussi loin que porte la vue. Quand je
pense qu'un artisan s'est crevé à peindre ce numéro pour regonfler le
moral des gens à plat. Gonflé, non ? L'artiste étant aussi véloce pour
peindre que pour réagir au coup de fil, le pneu est vite remis en état.
Réparation effectuée sur place, sur le bas-côté, bien entendu ! Un jour
d'ailleurs, il faudra que je me penche sur la coïncidence entre le lieu
de la crevaison et l'endroit où sont peints les numéros d'appels…
Pour
le moment, c'est entre des bas-côtés plus fréquentés que la voie
principale que nous rentrons à Hanoi, où nous retrouvons d'autres
bas-côtés encore plus encombrés : les trottoirs.
Mais ça, c'est une autre tranche de vie !
Gérard Bonnafont/CVN
(20/07/2008)
Pas de commentaires, c'est du vrai de vrai, du vecu !!!
Bonne soiree ou journee a vous.
Pat