Nha Trang, le 24 fevrier...
Encore sur le depart !
Bonjour a tou(te)s,
Me voici encore sur le depart. Demain, nous prenons le bus de nuit pour Hoi An ou nous resterons une ou deux nuits, puis le bus pour Hue ou nous irons finaliser le projet ForumVietnam. Nous reprendrons l'avion pour Saigon le 6 mars et retour par le bus de nuit a Nha Trang le 10.
Un peu de nouvelles de mon voyage dans les montagnes.
Nous sommes donc partis, Qua, le couple de clients, Ye le chauffeur et moi mercredi matin en direction de Buon Ma Thuot, une ville provinciale pres de la frontiere cambodgienne. Le soleil brillait et il faisait juste la temperature ideale. En chemin, nous avons fait differentes haltes pour montrer la vie pastorale et montagnarde des Vietnamiens et la matinee s'est passe sans encombres. Nous avons dine sur la route d'un plat local (pho bo = soupe de nouilles au boeuf), puis avons repris la route.
Les clients etaient assez contents de leur voyage, mais tres critiques quant aux methodes agricoles, je traduisais ce que Qua expliquait et inversement, les questions des clients. Jusque la, pas de probleme.
L'apres-midi, Qua s'est trompe de route et a cherche un moyen de rejoindre l'itineraire. La, les choses ont commence a se gater. En effet, nous avons ete mal renseignes et nous nous sommes retrouves sur une route en travaux, gravement endommagee par endroits par les pluies des mois precedents. Nous avons tourne un peu trop au gout des clients qui ralaient. Il n'y avait pas d'endroit ou s'arreter pour faire des photos et nous etions assez secoues, malgre que le minivan etait confortable.
Arrives au resort, les chambres etaient assez rudimentaires, lorsque Qua m'a dit le prix (25$) j'avoue avoir ete etonnee, mais il m'a explique qu'il n'existe qu'un resort a cet endroit (au bord d'une cascade) et qu'ils en profitent. Le vent a commence a souffler et la temperature a baisse. Pour le repas du soir, Qua a commande un assortiment de plats vietnamiens et l'ambiance s'est un peu remise. Le client nous a fait part de sa desapprobation quant a cet apres-midi et Qua a offert le repas (ce qui n'est pas prevu dans le prix) afin de "faire un geste". Il s'est excuse du contretemps et pensait que cela se passerait mieux.
Le lendemain matin, il m'a demande de reclamer le second accompte au client. Celui-ci, en effet, de peur de se faire "arnaquer" avait decide de payer au compte-gouttes, ce qui ne se fait generalement pas, les questions d'argent devant etre reglees avant le depart afin de ne pas empoisonner le sejour. Au petit dejeuner, nous avons senti que quelque chose se passait et l'epouse m'a dit qu'elle avait mal dormi et n'avait pas eu d'eau chaude dans la chambre. Il lui aurait suffi de nous appeler pour que nous reglions le probleme, mais ... je pense qu'elle n'a pas ose; c'est une dame tres gentille et comprehensive, contrairement a son mari qui est plutot bougon.
Nous avons donc pris la route en direction de Lien Son, a une centaine de kilometres et j'ai fait mon maximum afin de les satisfaire et de leur proposer un itineraire plus "programme" et en fonction de leurs desiderata. La matinee s'est tres bien passee et le mari semblait de meilleure humeur. Nous sommes d'abord aller visiter la grande cascade sur un des bras du Mekong, elle se trouve dans un parc protege dont nous avons fait une partie du tour. Tout se passant bien, je me suis dit que je pourrais demander le reste du paiement au repas de midi.
Nous sommes egalement aller visiter un village occupe par des minorites ethniques ou nous avons vu ce que pauvrete veut dire. La, j'ai commence a avoir des boutons en ecoutant les reflexions des deux clients. Je prefere me passer de les repeter et j'ai surtout omis de traduire a Qua. En effet, les Vietnamiens supportent mal la critique sur leur gouvernement de la part des etrangers. De plus, ces minorites sont vraiment tres pauvres, elles ont ete rassemblees en villages et aidees par le gouvernement au point de vue apport de nourriture et de logement. Petit a petit, les villageois reprennent du poil de la bete et peuvent cultiver des parcelles de rizieres pour leur compte, ils elevent egalement des animaux afin de manger un peu de viande. Avant cela, leur seule nourriture etait composee de bananes et de fruits qu'ils allaient cueillir dans la montagne et lorsque la chance etait au rendez-vous, de quelque viande chassee.
Maintenant, ils ont effectivement l'electricite et meme parfois la tele (offerte par d'autres vietnamiens mieux nantis), ainsi que des motoculteurs et quelques machines agricoles. Ils vivent dans des bungalows sur pilotis et dans l'un des villages ou nous nous sommes arretes, le gouvernement a fait construire une ecole afin que les enfants apprennent la langue vietnamienne (ils parlent tous un dialecte), a ecrire, lire et compter. Les cours ne se donnent pas toujours regulierement, car il n'y a pas assez d'enseignants et ceux-ci viennent parfois de loin.
Les enfants sont habilles de guenilles et l'un d'entre eux avait repare sa tongue avec du fil de fer, faute de pouvoir en acheter une nouvelle paire. En guise de jouets, une corde a sauter faite maison et un petit camion apparemment sculpte par un des hommes du village.
La maison dans laquelle nous sommes entres est composee d'une grande piece ou l'on peut trouver deux lits (probablement pour les parents) et des nattes ou dorment les enfants. Une table et quelques tabourets, une ou deux armoires et la fameuse tele qui a fait dire a la cliente "qu'ils n'etaient pas si pauvres que cela puisqu'ils ont la tele". Une piece attenante leur sert de cuisine et nous avons pu y voir un cuiseur electrique, comble du luxe, un silo a grains et un brasero pour chauffer l'eau. Quelques feuilles de plantes sechaient sur une corde et servent de tabac pour la pipe de la grand-mere.
Sous la maison, le vide ventile sert d'abri aux animaux de basse-cour et aux chiens. Certains d'entre eux possedent une truie et nous avons pu voir quelques petits gorets qui s'allaitaient. Les deux femmes tissaient de larges etoffes qui servent de natte, de couvre lit, d'echarpe pour porter les enfants, parfois de hamac. Ces travaux sont tres beaux, mais la plupart servent aux gens du village. Il faut deux semaines de travail pour en fabriquer une et je suppose que le prix qu'il faudrait demander serait trop eleve pour etre rentable.
J'en reviens a nos clients qui, apres avoir vu toute cette misere ne semblaient pas plus touches que cela. L'epouse, je crois, essayait de se donner bonne conscience en disant "qu'ils devaient etre heureux comme ca puisqu'ils ne connaissaient de toute facon rien d'autre" et le mari s'interessait surtout aux methodes de travail des champs. J'avoue avoir du faire un effort terrible pour garder mon sang-froid et le sourire en entendant certaines horreurs.
A midi, nous nous sommes arretes pour un diner local, assortiment de mets comme la veille, differents bien sur et tres bons. Je me suis enfin decidee a demander au mari de me verser la seconde provision puisqu'il ne voulait pas payer le tout et c'est la qu'il a commence a negocier en disant que par rapport au prix du sejour et a la perte de temps de l'apres-midi precedente, il n'etait pas d'accord de payer la totalite. Je ne dis pas que son argumentation n'etait pas valable, mais nous ne sommes pas en Europe et Qua avait vraiment calcule au plus juste. Je lui ai traduit les paroles du client et j'ai vu son visage virer au vert (sur du jaune, ce n'est pas joli). Il m'a dit qu'a ce prix-la, il pouvait tout autant rentrer chez lui, ce que j'ai mal interprete et j'ai propose au client de nous verser le solde sur les 8 millions (un de moins que prevu) et que je prendrais le reste en charge vu que j'accompagnais et que je profitais aussi de la voiture et du logement. En fait, je l'ai fait surtout pour qu'il paie car je craignais qu'il nous reserve une autre mauvaise surprise.
L'apres-midi a ete un peu plus froide question ambiance, mais j'ai su convaincre Qua de continuer normalement le parcours et de faire comme si c'etait uniquement pour moi. Nous avons donc repris notre chemin, nous arretant dans divers villages ou nous avons pu voir la culture du riz, sa recolte, le tamisage etc., nous nous sommes egalement arretes aupres de femmes qui pelaient et decoupaient les racines de manioc pour les faire secher avant de les envoyer a Saigon pour qu'elles soient reduites en farine. En effet, le pain ressemble point par point au notre (mini baguettes) et a le meme gout, juste un peu plus fade, mais il est fait a base de manioc et non de ble. Je dois avouer que je ne m'en doutais pas du tout.
Nous sommes alors arrives au second resort, un endroit tres beau a Lien Son, en bordure du lac de la province de Dak Lak. L'endroit est vraiment magistral et il y a tout un tas de choses a voir : un village, des elephants, un marche, une belle ballade a faire autour du lac... mais Qua etait vraiment furax et des qu'il a eu installe les clients dans leur chambre, il s'est desinteresse d'eux. Rendez-vous a ete pris une heure et demie plus tard pour le repas, point barre.
Nous avons donc pris une douche et sommes alles boire un cafe dans un etablissement "pur viet", "Ras le bol des touristes" m'a-t-il dit, on se retrouve "entre nous". Mine de rien, c'est ce genre de reflexion qui me fait plaisir, car il me prouve par la que je suis bien integree et que je ne fais pas "tache" dans le paysage vietnamien. Il faut dire que je me plais tellement a leur contact qu'il ne me viendrait pas a l'idee de changer mon comportement pour "faire l'Europeenne". Les Vietnamiens, quand on les cotoie de plus pres sont des gens vraiment charmants, respectueux, agreables, toujours prets a rendre service, souriants et blagueurs. Il faut bien sur faire abstraction de certaines de nos habitudes et se plier parfois a certains usages qui peuvent nous sembler desuets, mais ce ne sont a mon avis que de petits details par rapport a la qualite de vie que l'on trouve ici. Pas de stress, pas de conflits recurrents, pas de chichis, la vie toute "simple" faite de partage de bons et de mauvais moments au milieu de beaucoup d'instants de pur bonheur. Je prends pour exemple le plaisir que nous avons pris a regarder la petite fille du cafe rouler a bicyclette ou les plus jeunes me faire des "Hello, hello", des signes de la main et de grands sourires. Ici, pas de PS3 ou de mini-moto, pas de Nike a 150 Euros aux pieds, pas de vetements de marque (ce sont des imitations de toute facon), mais de la joie et des rires.
Revenus au resort, nous avons pris le repas du soir et sommes rentres au bungalow. Un peu de tele et paf ! le satellite qui lache. Nous nous sommes payes quelques bons fou-rires lorsque j'ai fait une recherche sur les channels pour trouver la tele vietnamienne; Qua se rejouissait du spectacle car je parlais toute seule a la tele et a la telecommande, il a egalement appris un ou deux jurons en francais par la meme occasion.
Le matin suivant, a cinq heures trente, nous nous sommes eveilles et sommes alles faire quelques exercices dehors, lui au bord du lac, moi sur la terrasse. C'est une excellente habitude que je suis qu'ont les Vietnamiens de se lever tres tot et de sortir faire un peu de sport. Partout, du Nord au Sud, de la Cote aux montagnes, si l'on se promene vers les six heures du matin, on peut voir les adultes, femmes et hommes, faire des exercices de gymnastique, du streching, du badminton ou jouer au ballon.
Apres cela, douche et cafe "entre nous" et discussion sur la terrasse. Qua s'est a nouveau enerve car il ne supportait pas que j'aie pris une partie du prix a ma charge. Il faut dire qu'au debut de notre relation, je lui ai dit que si je m'apercevais qu'il me frequentait en esperant "le gros lot", tout d'abord il se trompait grandement puisque je n'ai pas d'argent, mais egalement que je le quitterais sur le champ. Connaissant ma situation et celle de Raf, il etait furieux sur le client qui, bien que ne manquant de rien (il s'en est suffisamment vante), a encore chicane sur le prix. Sur ce, decision fut prise de repartir par Dalat, ce qui n'etait pas prevu et de faire le minimum d'arrets. Quelques photos et point ! Cette fois, j'ai obtempere sachant que si je demandais une halte pour moi, je l'obtiendrais de toute facon.
Apres le petit dejeuner, nous avons pris la route de Dalat a travers les montagnes. Nous nous y sommes arretes pour "quelques photos". La pluie s'est mise a tomber et le ciel etait bouche. Nous n'avons donc pas pu vraiment profiter du paysage, car nous etions a de nombreux endroits au-dessus des nuages. Comme nous etions de toute facon fatigues, je me suis contentee d'ecouter un peu les clients et de repondre a ce que je savais sans une fois de plus traduire les inepties que j'entendais.
Nous sommes rentres a Nha Trang sous la pluie, fatigues, mais soulages que ce soit fini; heureux d'avoir passe ces trois jours ensemble, ce qui nous a permis de mieux nous connaitre et nous apprecier.
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